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índex                                     mayo - junio 2001  num 24

Dos poetas luxemburgueses : Anise Koltz y Jean Portante

Dos poetas luxemburgueses : Anise Koltz y Jean Portante

traducidos por José M. G. Holguera

Chants de refus / Cantos de rechazo

(fragmentos)

Anise Koltz

Chaque aube
est une promesse d’éternité

Chaque couchant
sa flamboyante annulation

*

El alba es
una promesa de eternidad

El ocaso
su fulgurante anulación

*

Les portraits
épuisés comme les jardins
en automne
gèrent leur passé fané

*

Los retratos
consumidos como los jardines
en otoño
administran su pasado marchito

*

Nous avons quitté la me
ril y a des milliards d’années

La terre nous a été promise
elle nous sortira par la bouche

*

Salimos del mar
hace miles de millones de años

Nos prometieron la tierra
por la boca nos saldrá

*

Accrochée aux murs
tête en bas
comme une chauve-souris
je récapitule ma naissance
jour par jour
en hurlant

*

Colgada de las paredes
cabeza abajo
como un murciélago
recapitulo mi nacimiento
un día tras otro
en un alarido

*

Je cours
à perdre haleine
le long de mes vertèbres
avec la terreur
de ne jamais aboutir

*

Por mis vértebras
corro
hasta perder el resuello
con el terror
de no llegar nunca

*

Enterrée vivante
sous le tumulus de ma chair
je racle mon éternité

*

Enterrada viva
bajo el túmulo de mi carne
hinco las uñas en la eternidad

*

Porteur du cri
qui a fêlé l’univers
je propage le silence
qui s’en suit

*

Portador del grito
que ha fisurado el universo
propago el silencio
resultante

*

Je m’endors dans mon lit
et me réveille
dans un terrain vague

Un ange alors
me ramène mon nom
et ma vieillesse

*

Me duermo en mi cama
y me despierto
en un terreno baldío

Al rato un ángel
me trae mi nombre
y mi vejez

*

La terre est notre châtiment
nous nous heurtons au ciel
seuls les cauchemars circulent
libres comme le vent

A l’orée du bois
nos enfants mûrissent
avec les framboises sauvages

*

La tierra es nuestro castigo
nos enfrentamos al cielo
sólo las pesadillas circulan
libres como el viento

En el confín del bosque
nuestros hijos maduran
con las frambuesas silvestres

*

Le soleil s’appelle Caïn

Sur les marches dévastées
du temps
je rampe vers lui

Dans sa fumée épaisse
qui renonce à monter
j’installe mon chant de refus

*

El sol se llama Caín

Por los peldaños desgastados
del tiempo
me arrastro hacia él

En su espeso humo
que renuncia a subir
instalo mi canto de rechazo

*

Je me tais

Mes poèmes stockés
dans des silos
pourrissent

La plante de mes pieds
ne s’enracine pas

*

Me callo

Mis poemas
almacenados en silos
se pudren

La planta de mis pies
no echa raíces

*

Mes poèmes me sont étrangers
comme les peintures rupestres

J’ignore leur origine et leur âge
parfois je reconnais un détail
un animal familier

*

Mis poemas me resultan extraños
como pinturas rupestres

Ignoro su origen y su edad
a veces reconozco un detalle
un animal familiar

*

Tous les poèmes
non écrits
pèsent sur moi
comme l’ombre accumulée
d’un été

*

Los poemas
no escritos
pesan sobre mí
como la sombra acumulada
de un verano

*

Poissons des grands fonds
les phrases meurent
dès qu’elles montent
a la surface

*

Peces abisales
las frases mueren
en cuanto suben
a la superficie

*

Parfois une parole
tombe du ciel
avec une goutte de pluie
un flocon de neige

Elle ne vise personne
mais recouvre tout à coup
un paysage

*

A veces una palabra
cae del cielo
con una gota de lluvia
un copo de nieve

No va dirigida a nadie
pero cubre de golpe
un paisaje

*

© Anise Koltz (Luxemburgo, 1928). Fundadora y organizadora de las Jornadas de Mondorf (encuentros internacionales), es también fundadora y vicepresidenta de la Académie Européenne de Poésie y miembro de la Academia Mallarmé de París, del Pen-Club de Bélgica y del Instituto Gran Ducal de las Artes y las Letras. Vive en Luxemburgo y escribe en tres lenguas. Galardonada con varios e importantes premios literarios, entre sus títulos más recientes citamos: Chants de Refus (1993) y Chants de Refus II (1995), publicados en español con el título Cantos de rechazo (Madrid, Hiperión, 1998, trad. de J.M.G. Holguera), Le mur du son (1997), Le paradis brûle (París, 1998), La terre se tait (1999) y Le cri de l’épervier (2000).


point / y punto

(fragmentos)

Jean Portante

j’ai en sortant versé un mètre cube de lumière
dans le cratère comme si de toi à moi s'était
méthodiquement éteint le va-et-vient
des choses           la houle et le ressac

connais-tu le travail de l'ombre autour
de nos yeux et tout ce qui passe
inaperçu quand soudain nous touchons
l'heure qui tombe comme tombe

un soleil qui en tombant apprend
à briller           il y a dans ton dernier regard
une œuvre inachevée et dans le mien
l'urgence d'un jour qui se termine

et dans le tien à nouveau une échelle
montant battre les fruits d'un arbre qui
n'est plus ni du sud ni du nord
tant que dehors nuit et jour

mangent à la même table
rien ne bouge sur cette
ligne qui de tes yeux va aux miens
rien n'y bouge et rien n'y est figé

*

al salir eché un metro cúbico de luz
en el cráter como si de ti a mí se hubiera
metódicamente apagado el ir y venir
de las cosas           el oleaje y la resaca

conoces tú el trabajo de la sombra en torno
a nuestros ojos y todo lo que pasa
inadvertido cuando de repente tocamos
la hora que cae como cae

un sol que al caer aprende
a brillar           hay en tu última mirada
una obra inconclusa y en la mía
la urgencia de un día que se acaba

y en la tuya ahora una escala ascendente
que sube a varear la fruta de un árbol que
no es ni del sur ni del norte
mientras fuera la noche y el día

comen a la misma mesa
nada se mueve en esta
línea que va de tus ojos a los míos
en la que nada se mueve ni deja de moverse

*

RIEN N'EST DÉTRUIT ni la vieille horloge
suspendue dans le ciel ni les heures
qui pleuvent au-dessus des toits            le
temps comme le reste s'évapore et

se condense et les animaux noirs qui
par à-coups se posent sur les murs
n'ont pas fui en vain le laboratoire
aujourd'hui est un jour irréparable

on va au marécage comme on va
à l'église           je nous vois agenouillés
devant l'éternité           nous prions un peu
pour faire pénitence           nous mentons

aussi et tout reprend son cours       pourquoi
marcher sur l'eau quand on peut le faire
ailleurs           et pourquoi dire non quand oui
est une boule de cristal

*

nada ha sido destruido ni el viejo reloj
de pared suspendido en el cielo ni las horas
que llueven sobre los tejados            el
tiempo como el resto se evapora y

se condensa y los animales negros que
bruscamente se posan en los muros
no han huido en vano del laboratorio
hoy es un día irreparable

vamos a la ciénaga como quien va
a la iglesia           nos veo arrodillados
ante la eternidad           rezamos un poco
para hacer penitencia           mentimos

también y todo sigue su curso        por qué
andar sobre el agua cuando se puede andar
en otro sitio           y por qué decir no cuando sí
es una bola de cristal

*

LES CHEVEUX SONT COUPÉS mais pas
encore les mains           il y a un tapis de
feuilles mortes devant la maison
comment vivre après tant de générosité

comment se ruer sur la porte pour l'ouvrir
et faire entrer les morceaux de
ce qui reste           trois mois sont passés
depuis le dernier départ

et les trois tristes porte-parole qui
se sont relayés devant la maison
ont chacun à sa manière réglé leurs
montres sur les battements de mon cœur

*

cortado está el pelo pero no 
todavía las manos           hay una alfombra de
hojas muertas ante la casa
cómo vivir después de tanta generosidad

cómo correr hacia la puerta para abrirla
y dejar entrar los fragmentos de
lo que queda           tres meses han pasado
desde la última partida

y los tres tristes portavoces que
se han turnado ante la casa
han ajustado cada uno a su manera los
relojes a los latidos de mi corazón

*

SI J'AI TIRÉ LE VERROU c'est moins pour
t'empêcher de partir que pour éviter
que n'entre chez nous le fantôme du cerf
qui depuis longtemps fait les cent pas

devant notre porte           il ne se cache
déjà plus derrière un tronc d'arbre
ou un muret           il n'a même plus peur
comme avant de la lumière du jour

il est désormais la sentinelle entre
toi et moi et il délimite notre espace

en urinant sur le trottoir

*

si he puesto el cerrojo es menos para
impedir que te vayas que para evitar
que entre en casa el fantasma del ciervo
que desde hace rato va y viene

ante nuestra puerta           no se esconde
ya detrás del tronco de un árbol
o de una tapia           ni siquiera tiene miedo
como antes de la luz del día

es desde ahora el centinela entre
tú y yo y delimita nuestro espacio

orinando sobre la acera

*

COMBIEN DE LITRES d’innocence peut-on verser dans un bassin           celui-ci par exemple que
tu vois sur la photo il y avait de jeunes
femmes qui traversaient de bout en bout le

village pour venir y laver leur linge           elles
longeaient même les vergers et les vignobles
et attiraient sur elles les regards des mangeurs
de fruits           d'autres venaient simplement y

plonger leurs mains après avoir écrit des
lettres à des maris partis si loin           et quand
l'eau s'emparait de leur chair c'était comme
si elles faisaient l'amour avec l'océan atlantique

*

Cuántos litros de inocencia se pueden verter
en un estanque           el que por ejemplo
ves en la foto había unas jóvenes
que cruzaban de punta a punta el

pueblo para venir a lavar la ropa           ellas
andaban por la orilla de huertos y viñedos
y atraían la mirada de los que comían
fruta           otras venían simplemente a

meter las manos después de haber
escrito cartas a maridos lejanos           y cuando
el agua se apoderaba de su carne era como
si hicieran el amor con el oceano atlántico

*

JE NE ME SUIS PAS ARRÊTÉ sous cet arbre
je n'ai rien de quoi me souvenir           si je fuis
l'ombre qu'il jette cela ne signifie
pas que c'est de lui que j'ai peur

le soleil n'a qu'un rôle secondaire dans
notre histoire           il y a chez toi ce geste
juste avant que je me retourne           l'ai-je entrevu
ou est-ce la mémoire qui me joue un tour

de toute manière je me retournerai toujours
et le désir de fuir l'ombre plante des arbres
sur notre chemin           c'est ça notre histoire
et le soleil n'y est qu'un second couteau

*

no me he parado bajo este árbol
no me queda recuerdo alguno           si huyo
de la sombra que proyecta no significa
que le tenga yo miedo a él

el sol tiene un papel secundario
en nuestra historia           ese gesto tuyo
en el preciso instante en que me doy la vuelta           lo he
vislumbrado o es la memoria la que me engaña

de todos modos me daré siempre la vuelta
y el deseo de huir de la sombra planta árboles
en nuestro camino           ésa es nuestra historia
y el sol es aquí un personajillo secundario

*

L'ESPOIR D'UN LEVER DE SOLEIL précoce
m'a amené ici et je voulais aussi voir
si en montant si haut on se rapproche
vraiment de la mort           c'est en tout cas ce que

m'a dit mon père quand une valise à la
main il est descendu dans mon rêve
depuis chaque fois qu'il descend
je monte là-haut

et quand nous nous croisons nous restons
muets comme au temps où dans la cuisine
ma mère versait des louches de silence
dans nos assiettes

*

DEPUIS QUE JE RESSORS les vieilles photos
de leurs boîtes           c’est grâce à elles que
je suis arrivé jusqu’ici mais elles aussi
me doivent quelque chose           rien ne

manque dans les visages que je cloue
au mur de ma chambre           ton sourire
ne souffre pas quand d’une main je
tiens le marteau et que s’attarde dans

l’autre l’épisode qui suit           cela se passe
près d’un puits au milieu d’une cour d’un
château médiéval           voilà longtemps que
personne n’y est venu boire           les visiteurs

d’aujourd’hui ont tout ce qu’il faut dans
leurs bouteilles en plastique           on dit aussi
que depuis la dernière sécheresse les
habitants des alentours y ont jeté leurs morts

mais ce n’est pas de cela que je
voulais te parler
                                        ce clou au-dessus de
ta tête n’est pas une auréole ni un

châtiment          c’est à peine le chemin
que j’ai parcouru avant d’accrocher ma vie
à un mur lointain et blanc et c’est de là
que je t’épie et que tu m’épies et n’avons

nous pas tous les deux un marteau dans
la main et dans l’autre les clous communs
de notre histoire

*

la esperanza de un amanecer precoz
me ha traído aquí y yo quería ver también
si subiendo tan alto se acercaba uno
de verdad a la muerte           en cualquier caso es lo que

me dijo mi padre cuando maleta en
mano bajó hasta mi sueño
desde ese momento cada vez que baja
yo subo allá arriba

y cuando nos cruzamos nos quedamos
mudos como cuando en la cocina
mi madre echaba cucharones de silencio
en nuestros platos

*

no hace mucho que saco las viejas fotos
de sus cajas           gracias a ellas
he llegado hasta aquí pero ellas también
me deben alguna cosa           nada

falta en los rostros que clavo
en las paredes de mi habitación           tu sonrisa
no sufre cuando con el martillo en una
mano en la otra se alarga el

episodio siguiente           esto sucede
cerca de un pozo en el centro del patio de un
castillo medieval           hace tiempo que
nadie ha venido a beber           los visitantes

de hoy tienen todo lo necesario en
sus botellas de plástico           también se dice
que desde la última sequía los habitantes
de los alrededores han tirado allí a sus muertos

pero no es de eso de lo que te
quería hablar
                              ese clavo sobre
tu cabeza no es ni una aureola ni un

castigo           es apenas el camino
que he recorrido antes de colgar mi vida
a un muro lejano y blanco y desde él
te espío y me espías y no tenemos

los dos acaso un martillo en la
mano y en la otra los clavos comunes
de nuestra historia

*

© Jean Portante (Luxemburgo, 1950). Poeta, novelista, traductor, es redactor en jefe del semanario Le jeudi. Organizador de las Jornadas de Mondorf (encuentros internacionales), es también miembro fundador de la Académie Européenne de Poésie. Dirige la colección Graphiti de Editions Phi. Ha publicado recientemente : Mrs Haroy ou la mémoire de la baleine (1993) (La mémoire de la baleine: roman, Le Castor Astral, 1999), Ouvert fermé (1994), Effaçonner (1996), Destin destination : une tragédie (1998), Allen Ginsberg : l'autre Amerique (1999), Point (1999).
 
© de la traducción: José M. G. Holguera (Salamanca, 1952). Vive en Luxemburgo. Traductor, ha enseñado en las Universidades de Stirling, Dublín y Ruán.
Este texto no puede reproducirse ni archivarse sin permiso del autor y/o The Barcelona Review. Rogamos lean las condiciones de uso.
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